Comment devenir un meilleur cycliste grâce à la nutrition
La plupart des cyclistes consacrent beaucoup d’efforts à leurs sorties, leurs programmes d’entraînement, l’entretien de leur vélo, etc.. Mais vous concentrez-vous suffisamment sur ce que vous mangez ? L’équipe cycliste professionnelle Jumbo-Visma considère que la nutrition est un facteur important de son succès actuel. Lisez la suite pour en savoir plus sur l’importance de la nutrition et sur son potentiel pour faire de vous un meilleur cycliste.
On reprend les bases
Selon Martijn Redegeld, responsable de la nutrition pour les équipes masculine et féminine de Jumbo-Visma, on peut améliorer ses performances grâce à un bon programme de nutrition.
« Nous travaillons sur ce domaine depuis près de 5 ans maintenant, qui a certainement été un facteur clé de nos grands succès de ces dernières années. Mais nous n’en sommes qu’au début : les évolutions dans le monde de la nutrition se succèdent rapidement, il y a encore beaucoup à apprendre et à y gagner. »
La philosophie de l’équipe est assez simple : l’alimentation de base est redevenue centrale.
« Le monde du cyclisme s’était complètement désintéressé du sujet, » dit Redegeld. « Tout le monde ne jurait que par les compléments exotiques, les poudres et les pilules à la recherche de l’effet magique. Mais personne ne se souciait du carburant pur utilisé au quotidien, de la quantité de protéines pour récupérer et ainsi de suite. En fait, l’alimentation de base permet de dériver une amélioration de 80 à 90 %. Cela parait simple, mais se nourrir correctement est une chose, adapter chaque jour sa nutrition à un entraînement ou une course spécifique en est une autre. Cela demande beaucoup de connaissances et de compréhension au sein de l’équipe. » Les coureurs étaient un peu sceptiques au début, mais ils ont vite compris l’importance de la chose. Ils ont plus d’énergie pendant leurs séances d’entraînement, ils récupèrent plus vite et sont capables de fournir à nouveau une performance de pointe jour après jour. Ils se sentent également beaucoup plus dynamiques lors de la troisième semaine d’un grand tour, comme le Tour de France, par exemple.
Le mot clé de la philosophie nutritionnelle de Jumbo-Visma est la cohérence. « Un bon programme de nutrition n’est pas quelque chose auquel on se tient pendant quelques jours seulement, puis qu’on met de côté, » explique Redegeld. « Nous concevons un programme nutritionnel quotidien tout au long de l’année pour chaque coureur. Avant le début de la saison, nous vérifions l’agenda des courses et le poids de chaque coureur. De cette manière, nous pouvons établir un plan individuel où l’on choisit, par exemple, de maintenir un poids stable, ou bien à quel moment prendre ou perdre du poids. Si un coureur doit participer à une course par étapes avec beaucoup de montées, alors nous savons qu’il est important de perdre du poids pour cette période. Outre le calendrier, nous suivons également la santé des coureurs et nos possibilités pour obtenir la progression maximale à l’entraînement grâce à la nutrition. »
Conseil de pro : « L’une des plus grandes erreurs que font beaucoup de gens est de prendre un gros petit-déjeuner, de commencer à pédaler une heure plus tard, puis de ne pas manger pendant les premières heures de la course parce qu’ils pensent qu’ils peuvent encore continuer, » explique Redegeld. « Mais entre-temps, la réserve de carburant dans les muscles est déjà en train de diminuer. Donc si vous faites une sortie longue, commencez à manger dès la première heure et continuez de manger systématiquement. Prenez un gel, une barre ou une bouteille d’eau toutes les heures lors d’une sortie standard. Pour une sortie intensive ou plus longue, passez à deux par heure. Suivez ce rythme même si vous êtes déjà près de chez vous à la fin de votre parcours. De cette façon, vous maintenez votre réserve de carburant aussi élevée que possible dans le but de ne pas l’épuiser. »
Un autre facteur clé ? L’hydratation. Pendant la course, veillez à boire régulièrement, aussi souvent que vous mangez. En moyenne, vous devez boire 500 ml par heure, mais cela varie d’une personne à l’autre et dépend beaucoup de la quantité de sueur que vous perdez.
Conseil de pro : Comment savoir si vous avez suffisamment bu pendant votre trajet et quel volume vous devez boire en plus une fois rentré chez vous ? Redegeld a une astuce facile à vous proposer. « La meilleure façon de déterminer cette information est la suivante : montez sur la balance avant et après votre sortie. Vous remarquerez que vous perdez toujours un peu de poids, et c’est entièrement dû à la perte de sueur. Si vous avez perdu 1 kg, vous avez perdu 1 litre de sueur. Vous devez alors boire un peu plus (1,5 litre) pour pouvoir compenser cette perte. Il n’est pas nécessaire de boire immédiatement après la course, mais faites-y attention dans les heures qui suivent. C’est particulièrement important si vous devez également faire du sport les jours suivants. »
La règle générale veut que l’on perde au maximum 2 % de son poids corporel pendant une sortie. Quand votre poids baisse d’environ 4 %, vous faites quelque chose de travers. Vous aurez peut-être remarqué un petit étourdissement ou des crampes musculaires. Faites attention à votre programme de nutrition la fois suivante, car en plus de diminuer vos performances, vous risquez de vous évanouir.
Un plan de course réussi
Lors de certaines journées de course difficiles, les coureurs peuvent brûler jusqu’à 8 000 calories et plus. Malheureusement, il est impossible de consommer le même nombre de calories pendant une course, à cause du facteur limitant du corps humain : il peut absorber environ 90 grammes de glucides par heure, soit environ 3 en-cas de type gel, barre ou boisson énergétique. Pour beaucoup de gens, c’est déjà beaucoup à digérer. Si vous n’en avez pas l’habitude, vous aurez à coup sûr des troubles gastriques ou intestinaux. Pour les coureurs professionnels, ce n’est pas un problème, car ils ont l’habitude de consommer de grandes quantités de sucres pendant leurs séances d’entraînement. Mais ce facteur limitant a une particularité : on a découvert qu’il est possible de s’entraîner et d’augmenter la quantité maximale de glucides que le corps peut absorber. Le Graal dans le cyclisme, aujourd’hui, c’est d’identifier cette part de glucides supplémentaire, mais, comme dans tout entraînement, si vous répétez quelque chose assez souvent, votre corps s’y adaptera.
Pour compenser la grande perte de calories, l’équipe s’assure que les coureurs mangent et boivent suffisamment avant, pendant et après la course, grâce à un programme nutritionnel strict. Il est évidemment plus facile de prendre un repas au petit-déjeuner ou au dîner que dans le feu de l’action pendant la course, c’est pourquoi l’équipe encadre ses coureurs depuis la voiture de l’équipe. « Nous essayons d’étaler au maximum la consommation pendant une course. Les coureurs reçoivent régulièrement l’instruction de manger ou boire quelque chose, de vider leur bouteille d’eau ou de profiter du bon moment pour manger une barre, par exemple. Un certain nombre de coureurs paramètrent également l’alarme de nutrition sur leur Garmin Edge® pour avoir un rappel. » L’équipe pousse également ses coureurs à faire particulièrement attention à leur alimentation durant les premières heures de la course. L’objectif est de s’assurer qu’ils sont prêts s’ils doivent attaquer plus tôt que prévu.
Juste après l’arrivée, les coureurs transmettent toutes leurs données depuis leur unité centrale Garmin et indiquent aux entraîneurs ce qu’ils ont consommé pendant la course : le nombre de gels, de barres et de bouteilles d’eau, etc.. L’équipe calcule alors immédiatement si cette consommation est conforme au programme nutritionnel. Il faut régulièrement faire des ajustements, car un coureur peut avoir brûlé plus de calories ou en avoir ingéré moins que prévu. Ils boivent aussi immédiatement un shake de récupération, associant protéines et sucres, afin de reconstituer leurs réserves d’énergie. Dans le bus vers l’hôtel et pendant le massage, deux ou trois moments supplémentaires leur fournissent l’occasion de manger. En fonction de la difficulté de la course, il peut s’agir d’un repas de récupération ou d’une collation. Le moment de ces prises est important et, selon Redegeld, il est beaucoup plus efficace de manger de petites portions, toutes les heures par exemple, que de prendre un très gros repas en une seule fois. Ces éléments sont essentiels et peuvent faire la différence entre la victoire et la défaite.
Au dîner, on calcule une portion correcte afin que l’équipe soit sûre que chaque coureur puisse reconstituer toutes ses réserves. C’est particulièrement important dans les grands tours, longs et éprouvants. Par le passé, on se décidait à l’instinct et, au bout de deux semaines de courses difficiles, de nombreux athlètes ne savaient plus de quoi ils avaient réellement besoin au petit-déjeuner ou au dîner. « Dans chaque grand tour, il y a toujours un prétendant à la victoire finale qui s’effondre soudainement au cours de la troisième semaine. Ce n’est pas parce qu’il perd soudainement sa forme physique, mais parce qu’il n’a pas reconstitué correctement ses réserves d’énergie pendant un ou quelques jours. En prenant cet effet en compte dès maintenant, les coureurs sont toujours bien nourris au départ. Ils y gagnent une certaine tranquillité d’esprit, car ils ne sont plus contraints d’y penser eux-mêmes, » explique Redegeld.
Conseil de pro : il existe denombreux produits et compléments alimentaires pour les cyclistes. Comment identifier ce qui vous convient le mieux ? « Tant qu’il contient principalement des glucides, c’est un bon produit, » explique Redegeld. « Prenez par exemple une barre énergétique ou une banane. Un produit liquide comme un gel sera absorbé plus rapidement qu’une barre. Donc si vous avez besoin d’énergie rapidement, par exemple juste avant une ascension difficile, il vaut mieux prendre un gel. Mais si vous effectuez un entraînement d’endurance à un rythme modeste et que vous mangez et buvez régulièrement, une banane, une barre ou un gel auront le même effet. »
Le coup de boost supplémentaire
Enfin, penchons-nous sur certaines modes en matière de nutrition dans le cyclisme. La caféine est un stimulant bien connu de nombreux cyclistes, mais est-elle vraiment utile ? « C’est une substance qui améliore les performances et qui peut effectivement apporter une toute petite amélioration. On en trouve dans le café, mais retenez que, sur une même machine à café, sa force peut varier légèrement d’une fois sur l’autre. C’est pourquoi de nombreux coureurs optent pour une pilule ou un gel de caféine afin de savoir exactement quelle quantité ils absorbent. La caféine augmente votre concentration, vous êtes un peu plus vif et vous pouvez surmonter le pic de douleur un peu plus facilement pendant une montée. L’effet est faible mais peut s’avérer décisif à l’arrivée. »
Il y a aussi la légende urbaine du jus de betterave. Permet-il vraiment d’aller plus vite ? « Il a certainement des avantages. Le jus de betterave contient du nitrate, ce qui permet aux cellules musculaires d’utiliser l’oxygène plus efficacement. Plus particulièrement pendant un exercice où l’oxygène est le facteur limitant, comme un effort anaérobie intense, il peut offrir une petite valeur ajoutée. Mais il existe aussi des compléments alimentaires qui ont un effet similaire. Dans notre équipe, nous n’y attachons pas plus d’importance que nécessaire. Le jus de betterave peut bien faire gagner un demi pour cent, l’alimentation de base reste de loin la plus importante. Si vous ne mangez pas assez la veille, vous pouvez boire autant de jus de betterave que vous voulez, vous ne gagnerez pas la course. »
Suivez l’équipe Jumbo-Visma dans sa préparation pour le Tour de France 2021 et tenez-vous au courant de ses progrès ici.